Il m’arrive de demander à quelqu’un d’imiter le vent. Puis, le vent au printemps, espiègle et dynamique, puis le vent à l’automne, quand on ferme les fenêtres et qu’il reste dehors et se plaint. Le grand avantage de ce genre d’exercice, c’est qu’il n’y a plus ceux qui chantent juste et ceux qui chantent faux. Tout le monde a du souffle et peut utiliser son corps pour trouver plus de force, d’élan.
Je raconte des histoires, je donne des images et je pars à la pêche sans savoir si je vais ramener du poisson. Après les moments dynamiques ou délirants, producteurs de trouvailles, je prends souvent le temps de décrire avec des mots ce qui s’est passé, expliquant parfois pourquoi une chose fonctionne, comment bien poser ce qui s’est passé, pour pouvoir revenir à certaines qualités vocales que l’on a découvertes : un accès en quelque sorte à notre propre répertoire sonore. (Par exemple : ce sont les sons que Juliette a faits, qui étaient riches, vibrants, tendres ou épiques, dans sa voix à elle, convaincants, émouvants, drôles, passionnés ou tragiques). Si l’on travaille en groupe, on s’inspire parfois du son de Martin ou de Nicolas, pour essayer notre version à nous de ce son spécifique qu’il a produit : il faut peut-être le placer un peu plus haut ou un peu plus bas, ou chanter moins fort, avec de l’abandon, lâcher prise, ou au contraire pousser un peu plus, attaquer plus franchement, pour y parvenir avec notre voix à nous. J’appelle ça « faire un tour dans le jardin des autres ».
Après une étape consacrée à la recherche de différentes qualités sonores, il y a des moments de lecture, de chant ou des exercices de théâtre. L’approche est multiple mais notre corps est toujours salué dans un esprit de louange, de reconnaissance. Il est notre base, notre soutien, notre allié; c’est lui qui résonne, lui qui sonne, saute, gesticule ou tombe passivement. Il nous donne accès à des portails de folie, de rêve ou de révolte. Il est productif, même accablé et souvent, on repart d’un cours plus frais et dispos que l’on y est arrivé. On se sent nourri par le souffle, le son et les images, les nôtres et celles des autres, ce qu’on les a vus et entendus faire.
Pascale B.